Participer à des festivals de courts-métrages post

Aug 04 2014 - Courts-métrages, Vidéo

Retour d’expérience sur les différents festivals que j’ai pu faire (ou pas) en tant que réalisateur et spectateur : comment on postule, comment ça se passe, comment c’est bien.

Le contexte

J’ai réalisé un court-métrage de 5 minutes visible ici. Petit film débile auto-produit, tourné entre potes (avec cependant un vrai compositeur pour la musique rencontré pour l'occasion), sans budget, mais plein d’amour. Je trouve le film cool, mais il joue dans la cour des vidéos youtube sympa sans prétention.

La réalisation est un hobby pour moi, développeur Web de formation et de métier. Je fais ça pour rigoler.

Le film a été diffusé sur Internet avant l’envoi aux festivals et a eu un mini-succès (90 000 vues réparties sur youtube, vimeo et dailymotion). C’est une donnée importante : un bon nombre de festivals refuse les courts déjà diffusés sur le net. J’ai quand même choisi de le publier sur le net en me disant que de toute façon, ces festivals ne m’auraient pas acceptés.

Postuler

C’est lourd, en temps et en argent. Que ce soit par courrier ou en dématérialisé, cela a un coût. En mettant bout à bout chaque postulation aux festivals, on explose rapidement le budget d’un film comme le mien.

Pour mon film, je n’ai postulé qu’aux festivals gratuits : certains (surtout les américains) demandent des frais d’inscription. Ça va de quelques euros en France à 75$ aux Etats-unis. Et je parle bien d’une somme à verser lorsqu’on soumet le film : il peut très bien être refusé, notre chèque sera bien encaissé lui. J’imagine que c’est un moyen de filtrer naturellement les films qui ont une production derrière eux, pour n’avoir que des candidats sérieux. Et peut-être au passage se faire un peu de pognon en finançant l’événement sur le dos des refusés.

Suivant les festivals, il faut postuler de deux manières différentes : soit en suivant un processus spécifique au festival, soit en passant par une plateforme d’inscription commune. En répartition, ça ressemble grosso modo à du 50-50.

Postulation directe

Vous vous rendez sur le site du festival, et vous suivez les instructions. Ça consiste la plupart du temps à devoir envoyer par courrier le formulaire d’inscription imprimé, assorti d’un DVD du film (copie de sélection). Je dis bien DVD : pas Blu-Ray, pas fichier, pas cassette, rien d’autre.

Les festivals commencent à accepter les inscriptions dématérialisées. C’est encore minoritaire, mais ça va heureusement dans le bon sens.

Postulation via plateforme

Il existe des services d’enregistrement qui permettent de mutualiser les soumissions : vous enregistrez une seule fois votre film, puis vous postulez à différents festivals en un clic. Vous suivez ensuite l’avancement de vos soumissions à mesure que les festivals vous informent de la réception du dossier, traitement de la candidature, puis sélection (ou pas) du film. Voici les plateformes que j’ai testées :

  • Short Film Depot : totalement dématérialisé. Vous y uploadez même votre film pour la copie de sélection. On y trouve principalement des festivals « de haut niveau » avec une grosse organisation derrière. Mon film tout pourri a quand même été sélectionné par 2 ou 3 de ces festivals. Vous devez payer la plateforme environ 3 € par soumission. Ça vaut clairement le coup : c’est à peu près aussi cher qu’un envoi postal, et c’est beaucoup plus pratique. A ces frais peuvent s’ajouter les frais d’inscription au festival, mais je n’en ai pas vu sur cette plateforme. Mauvais point : aucun festival ne m’a prévenu via la plateforme lorsque la sélection était faite. J’ai directement reçu des emails lorsque j’étais sélectionné. Et rien reçu du tout lorsque j’étais refusé ;
  • Film Fest Platform : gratuit, mais sans hébergement de la copie de sélection. Le site n’est là que pour faire le suivi des candidatures, le dossier devant être envoyé dans 95% des cas par la poste. On y trouve des festivals de toutes les tailles et de tous les budgets. A l’inverse de la précédente plateforme, je m’attendais à un nombre correct de sélections. Mais pour l’instant j’ai été refusé à la grande majorité des festivals, dont beaucoup me semblaient accessibles ou coller avec l’esprit de mon film.
  • Withoutabox : même principe que Short Film Depot. Les frais de la première inscription sont gratuits. Mais le site répertorie en grande majorité des festivals américains ou étrangers payants : au moins 45$ pour soumettre le film. J’ai utilisé ma soumission gratuite pour un festival français et puis basta.

Il existe d’autres sites de ce genre, mais j’en ai eu marre au bout d’un moment et j’ai arrêté de m’y inscrire.

Assister au festival

Concernant la présence du réalisateur, j’ai tout vu : on ne vous invite pas, on vous invite entant que spectateur, on vous invite pour venir présenter le film ou répondre à des questions pendant 3 minutes, on vous invite car vous allez devoir récupérer un prix « mais chut il faut pas le dire je vous ai rien dit », etc.

J’ai assisté à peu de festivals pour l’instant, mais j’ai une vague impression (sans vouloir faire de généralité non plus) : plus le festival est « local », plus l’ambiance est festive. J’ai vu des festivals dans des salles magnifiques, avec une sélection classe, et au final peu de spectateurs en dehors des équipes des films. Et j’ai vu des festivals PAUVRES dans des villages perdus, organisés dans des gymnases, avec des chaises pourries, un speaker marrant un peu loser, et l’ambiance était du tonnerre. Public super réactif devant une sélection de films amateurs très orientés comédie.

Un des gros intérêts que je retire des festivals, c’est le fait d’intervenir devant le public en cas de mini interview ou de remise de prix : je ne suis absolument pas à l’aise devant un gros public, tendance « vous en faites pas je reste pas longtemps je sais vous en avez rien à foutre de ma pomme ». Mais j’aime bien vivre le truc, travailler l’exercice, même si je suis mauvais. Les questions qu’on nous pose sont souvent les mêmes, ça permet de s’améliorer. Pour ma part, j’ai systématiquement droit à des questions centrées sur les effets spéciaux, comment j’ai fait, combien de temps, etc.

La projection du film

L’envoi du DVD au festival ne sert heureusement qu’à la sélection. Pour la projection, ils demandent la plupart du temps à le télécharger en FullHD via Wetransfer ou équivalent. Personnellement, j’ai pris un abonnement pro à Vimeo (moins de 50 € par an je crois), et j’ai rendu mon film téléchargeable sur cette plateforme. Ainsi, le lien est tout le temps disponible. Le reste du temps, les festivals demandent un fichier DCP. J’en ai généré un moi même avec un outil gratuit : DCP-o-matic. Tant que votre film a une image et un son un peu pourris/amateurs ça suffit. Sinon, il faut le faire faire par un pro.

Une fois en salle, c’est généralement la douche froide : son trop bas, et image à la mauvaise taille/mauvais ratio. Je n’ai encore pas vu une seule fois mon film dans les conditions rêvées, même dans des salles UGC de 500 places magnifiques. Dragon Boules est en 2.35. Il y a d’autres films qui sont en 16/9. Du coup, le projecteur est calibré pour ces derniers, et les films en 2.35 sont affichés avec bandes noires sur le bas et sur le côté. Et pour le son, je ne compte plus le nombre de fois ou le film (n’importe lequel, pas forcément le mien) a commencé, et ou j’ai vu au bout d’une minute un gars courir dans la cabine pour monter le volume. Je passe sur les rares fois ou mes acteurs étaient étirés ou aplatis en hauteur, et ou la projection plante en plein milieu. Tout ça fait un peu mal au cœur au final.

Les prix

Une bonne partie des festivals sont des compétitions. J’ai gagné deux prix de la « réalisation », ce qui correspond bien aux ambitions du film : il est sympa, rigolo, plein d’effets spéciaux, mais très amateur, avec une intrigue inexistante. On a donc plusieurs fois récompensé le fait que j’avais du bien me faire chier pendant les 2 ans de montage. Le film n’est pas taillé pour gagner autre chose que ça. J’aurais bien parié sur la musique, mais pour l’instant je n’ai vu aucun festival avoir de prix pour cette catégorie.

Contrairement à ce que je pensais, il n’y a pas d’ambiance « c’est l’école des fans, tout le monde a gagné ». Un film peut très bien remporter plusieurs prix. Je trouve ça très sain : on ne va pas se forcer à répartir des prix alors qu’un film peut exploser tous les autres. Mais d’un autre côté, j’ai vu des jurys s’enflammer et accorder la quasi totalité des prix à des films très sympas, mais avec absence totale de prise de risque. Je suis donc assez partagé.

Pour finir

Il est encore trop tôt pour que je comprenne l’intérêt d’aller dans un festival pour un gars comme moi : à moins qu’on m’offre la direction de Transformers 5, je vais rester toute ma vie dans l’informatique et prendre les films comme une passion. Pour l’instant l’expérience est sympa : ça fait sortir, on rencontre des gens, on découvre parfois de très bons films. C’est au moins à essayer.

Il y a aussi le plaisir de voir le film en salle et d’entendre la réaction du public : les rires, les pouffements, surtout pour mon film qui a une dimension de débilité qui surprend souvent. C’est aussi instructif de voir à quel moment une blague fait mouche, et à quel moment une blague fait un bide total. Et le plus surprenant, c’est quand un détail qu’on pensait anodin fait marrer toute la salle. Par exemple, dans mon film, c’est le plan du cratère avec la boule qui colle le cochonnet à l’intérieur. J’ai pensé à ce plan alors que j’étais totalement dans mon délire lors de l’écriture du « scénario ». Je cherchais à enchaîner vers la suite. Je ne cherchais pas le rire à ce moment, juste une motivation à la con pour que le méchant soit énervé. Durant la réalisation, j’étais totalement pris par le besoin que ça rende bien : le plan est entièrement en CGI (à partir d’une photo trouvée sur le net), il fallait qu’il paraisse crédible. Résultat : ça rit beaucoup.

En bon grincheux, je vais quand même terminer sur un bémol : écouter les réactions du public alors que le film est projeté sur une petite portion centrale de l’écran et avec un son tout bas, ça fait très mal. Et au final, c’est plus douloureux qu’autre chose.

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